Harmonie : Progression d’accords complexes – Technique de la dominante secondaire

Ci-dessous une séquence permettant de présenter de manière théorique et pratique la notion de progression d’accords complexes en s’aidant de la technique de la dominante secondaire.

Pour une version introductive et intuitive de cette notion voir Harmonie I.
Cette notion est plus facile à comprendre si vous avez par ailleurs les notions de mode, d’accord classique, d’accord complexe, de progression d’accords classiques et de progressions d’accords complexes.

PROGRESSION D’ACCORDS CONTENTANT DES ACCORDS COMPLEXES : La limite de l’intuitif
– On a vu comment construire une progression d’accords classiques et comment cela revenait à faire des harmonies parallèles.
– On a vu comment construire un accord complexe.
– On a vu comment construire de manière intuitive une progression d’accords classiques et comment cela revenait à faire des harmonies non parallèles contenant un mixte d’accords classiques et d’accords complexes.
– Un problème avec la manière intuitive de construire ce genre de progressions d’accords et qu’assez rapidement l’on risque de se retrouver dans des situations involontaires de grosses tensions harmoniques qui nous déplaisent sans savoir comment s’en sortir.
– Deux solutions à cela :
1/ S’entraîner encore et encore à l’oreille à faire des progressions d’accords complexes et chercher toujours plus de confort et de plaisir.
Testé et approuvé : plus on en fait et plus on trouve le chemin pour éviter les grosses tensions que l’on n’aiment pas entendre.
L’avantage de cette solution est que l’on reste dans de l’intuitif, on ne théorise pas et on se laisse aller à ce qu’on entend et aime entendre.
L’inconvénient est que l’on risque de tomber assez souvent sur les mêmes choses. Notre cerveau risque de…tourner en boucle 😉
2/ Appliquer des petites techniques théoriques qui nous permettent de créer de la complexité dans nos progressions d’accords sans s’empêtrer dans des chemins qui ne nous conviennent pas harmoniquement et en diversifiant nos possibilités de création spontanée.
– Dans cet article une technique donc le principe se comprend facilement et mais dont l’origine théorique est dense à mettre à l’écrit (ça tombe bien, on n’a pas besoin de plonger dans la théorie pour pouvoir quand même appliquer la technique!) : la technique de la dominante secondaire.

LA DOMINANTE SECONDAIRE : Un grand mot pour une idée toute bête
– Je viens de le dire, la dominante secondaire, c’est tout un roman. Et je vais te raconter l’histoire mais en fin d’article si vraiment tu as désespérément envie de tout comprendre. Pour le moment, je t’explique le principe vis-à-vis de son application, ce sera tellement plus claire pour comprendre pourquoi cette technique est cool.
La dominante secondaire c’est tout simplement une technique qui permet d’improviser des lignes de basse qui utilisent des montées/descentes chromatiques, c’est-à-dire des degrés conjoints dont certains appartiennent au mode dans lequel on est et d’autres pas, et d’harmoniser cette ligne de basse.
Visuellement ça donne ça par exemple :

Ici la ligne de basse en ionien fait 1 7 6m 6. Le 6m n’appartient pas au mode ionien, c’est la note qui se trouve juste entre le 7 et le 6 que l’on est allé chercher pour les lier entre eux.
– La technique de la secondaire dominante consiste à savoir comment harmoniser cette ligne de basse, et notamment, comment harmoniser au-dessus de la note qui sort du mode.

LA DOMINANTE SECONDAIRE : La technique
– Observons d’abord le « bonne » réponse c’est-à-dire comment harmoniser par-dessus une ligne de basse qui monte/descend par chromatisme. Ci-dessous une ligne de basse qui circule sur le mode ionien en ajoutant tous les chromatismes qui se trouvent sur son passage entre 1 et 6 :

Petite note : vous vous demandez pourquoi la ligne de basse s’arrête à 6 et ne circule pas jusqu’à la dernière note du mode, le 7. C’est parce que l’accord de septième degré dans le mode ionien est un accord diminué. Je ne m’étends pas là-dessus mais cet accord nous embête pour cette technique, aussi nous n’appliquons pas la technique de la dominante secondaire avant ou après un accord diminué. Cette règle vaut pour tous les accords diminués de chaque mode.
– Analyse de la technique pour harmoniser par-dessus une ligne de basse chromatique :

° Regardons déjà ce qu’il se passe lorsque qu’on lit la ligne de basse à l’endroit, c’est-à-dire comme une ligne de basse qui monte chromatiquement de 1 à 6
. La ligne de basse suit la règle suivante : elle monte de demi-ton en demi-ton tout le temps
. La ligne de la tierce obéit à deux règles suivant qu’elle vient d’un accord majeur ou d’un accord mineur (les accords majeurs sont reconnaissables aux chiffres romains en majuscule ; les accords mineurs sont en minuscule). Lorsque la ligne de la tierce vient d’un accord majeur, elle reste sur sa note sur l’accord qui sort du mode puis poursuit sa montée jusqu’au prochain degré du mode (par exemple, entre l’accord de premier et deuxième degré sont mouvement est : 3 3 4) ; lorsque la ligne de la tierce vient d’un accord mineur, elle se comporte comme la ligne de basse et monte par demi-ton (par exemple, entre l’accord de deuxième et troisième degré son mouvement est : 2 2# 3).
. La ligne de la quinte suit la règle suivante : au moment où elle arrive sur un accord qui sort du mode, elle prend de l’avance et se pose directement sur le degré sur lequel elle sera sur l’accord suivant (par exemple entre l’accord de quatrième et de cinquième degré son mouvement est : 1 2 2)

° Regardons ce qu’il se passe lorsque qu’on lit la ligne de basse à l’envers afin d’établir ce qu’il se passe lorsque la ligne de basse qui descend chromatiquement (on lit donc la ligne de basse de 6 à 1) :
. La ligne de basse suit la règle suivante : elle descend de demi-ton en demi-ton tout le temps
. La ligne de la tierce obéit à deux règles suivant qu’elle va vers un accord majeur ou un accord mineur. Lorsque la ligne de la tierce va vers un accord majeur, au moment où elle arrive sur l’accord qui sort du mode, elle prend de l’avance et se pose directement sur le degré sur lequel elle sera sur l’accord suivant (par exemple, entre l’accord de sixième degré et cinquième degré sont mouvement est : 1 7 7) ; lorsque la ligne de la tierce va vers un accord mineur, elle se comporte comme la ligne de basse et descend par demi-ton (par exemple, entre l’accord de deuxième et troisième degré son mouvement est : 2 2# 3).
. La ligne de la quinte suit la règle suivante : au moment où elle arrive sur un accord qui sort du mode, elle prend du retard et reste sur le degré sur lequel elle était sur l’accord précédent (par exemple entre l’accord de troisième et de deuxième degré son mouvement est : 7 7 6)

A RETENIR : Le mémento
– On le voit, la manière d’harmoniser une ligne de basse chromatique répond à certaines logiques. Et la bonne nouvelle est que ces logiques sont valables dans tous les modes. Dans l’analyse précédente nous étions en ionien mais l’analyse aurait été la même en éolien. Ce qui compte c’est de savoir si je viens d’un accord majeur ou mineur à la montée Ou si je vais vers un accord majeur ou mineur à la descend. Or, des accords mineurs et majeurs il y en a dans tous les modes.
– J’ai personnellement un petit mémento pour retenir ces logiques au moment où j’improvise :

  • La règle pour la ligne de basse est toujours de monter/descendre par demi-ton.
  • La règle pour la ligne de la quinte à la montée est de prendre de l’avance ; à la descente de prendre du retard
  • Pour la ligne de la tierce, j’apprends quels sont les accords majeurs, quels sont les accords mineurs dans le mode (au moins en ionien et éolien) et je retiens le mouvement de ma ligne :
    Règle des accords majeurs
    * le ET c’est l’accord qui sort du mode
    • Ionien, en montée : par-dessus les accords 1 ET 2 ; 4 ET 5 ; 5 ET 6 -> reste puis monte
    • Eolien en montée : par dessus les accords b3 ET 4 ; b6 ET b7 , b7 ET 1 -> reste puis monte
    • Ionien, en descente : par-dessus les accords 2 ET 1 ; 5 ET 4 ; 6 ET 5 -> descente puis reste
    • Eolien, en descente : par-dessus les accords 4 et b3 ; b7 ET b6 ; 1 ET b7 -> descente puis reste
  • Règle des accords mineurs
    • Ionien, en montée : par dessus les accords 2 ET 3 -> monte par demi-ton
    • Eolien, en montée : par-dessus les accords 4 ET 5 -> monte par demi-ton
    • Ionien, en descente : par-dessus les accords 3 ET 2 -> descend par demi-ton
    • Eoloien, en descente : par-dessus les accords 5 et 4 -> descend par demi-ton

– Et voilà !
– Vous allez peut-être me dire « mouai ça fait beaucoup à retenir ! ». Oui, en effet. Au début. Mais je le rappelle, l’idée est encore et toujours de former votre cerveau à reconnaître certains chemins. Avec le temps, 1/ vous allez retenir ; 2/vous n’aurez même plus besoin de réfléchir car le cerveau saura automatiquement quoi faire lorsqu’il se retrouve dans telle ou telle situation de montée/descente chromatique à la basse.

LA DOMINANTE SECONDAIRE : La pratique
– On a analysé le comporte des harmonies au-dessus d’une basse chromatique.
– On a créer un memento pour se souvenir de comment harmoniser.
– Prochaine étape : l’utiliser dans nos improvisations.
– Lorsque l’on improvise il est est très rare d’avoir une ligne de basse qui ferait l’entièreté de la montée/descente chromatique que l’on a vu ci-dessous. La plupart du temps on a une ligne de basse qui emprunte un bout de montée/descente chromatique. Par exemple, je vais peut-être chanter une ligne en ionien qui ferait : 1 6 4 4# 5 . Ici on voit que notre ligne de basse effectue une petite montée chromatique entre le 4 et le 5 car elle emprunte le 4# pour aller jusqu’au 5, le reste des degrés sont des degrés qui appartiennent au mode ionien.
– L’entraînement consiste soit à choisir en amont les degrés d’une ligne de basse qui emprunte un moment un chemin chromatique, soit à reconnaître à l’oreille les degrés sur lesquels ma ligne de basse circule.
– Une fois les degrés de la ligne de basse reconnus, notre memento étant bien engravé dans notre petite tête, il ne reste plus qu’à créer une ligne de tierce et une ligne de quinte qui s’adapte à la ligne de basse. Et voilà une jolie progression d’accord avec la technique de la dominante secondaire !
– Dans notre exemple, ça donnerait :

LA DOMINANTE SECONDAIRE : La définition
Allez, la voici l’explication de la dominante secondaire pour les geeks !
– Si l’on regarde la manière dont sont construites beaucoup de musiques, il n’est pas rare que les progressions d’accord commencent avec un accord de premier degré et finissent avec un accord de cinquième de degré. Et étant donné que les progressions d’accords se répètent plusieurs fois dans un morceau, derrière l’accord de cinquième degré suivra à nouveau l’accord de premier degré puisque la progression recommencera.
– La raison pour laquelle beaucoup de musique commence avec le I et finissent avec le V est que l’on a remarqué que le son de l’accord de cinquième degré invite à vouloir entendre l’accord de premier degré juste derrière. C’est ce que l’on nomme la résolution.
– La dominante secondaire joue avec ce constat du V appelle le I.
– Son raisonnement : « si le V appelle le I, alors je peux prendre n’importe quel accord de mon mode et faire comme si cet accord était le I de son propre mode, en cherchant l’accord de cinquième et celui-ci étant trouvé, je le place juste devant l’accord pour créer une sorte de mini-résolution ! Tandam ! »
– Je t’avais dit que c’était dense.
– Regardons, la progression d’accords juste au-dessus : I vi IV V/V V.
– Dans cette grille l’accord de dominante secondaire c’est l’accord qui se nomme V/V. Dans cet exemple, ce que j’ai voulu faire c’est créer une sorte de mini-résolution pour tomber sur le V. Je n’avais pas envie de passer directement de IV à V mais j’avais plutôt envie de créer la sensation de « j’ai tellement envie d’entendre le V » à ce moment.
– Pour cela, je me suis souvenue, que ce qui permet de créer cet effet est de « faire croire » à mon auditeurice que le V c’est un I. Pour cela, j’ai imaginé que le degré 5 était en fait le 1 de mon mode ionien.

– Ensuite, je suis allée regarder les degrés qui composent l’accord de cinquième degré de ce nouveau mode : 5 7 2

– Et j’ai regardé à quels degrés, dans mon mode original, correspondent ces degrés : 2 4# 6

– Et voilà ! Je sais maintenant que l’accord qui précédera l’accord de cinquième degré sera composé des degrés 2 4# 6 et que cet accord créera l’effet d’inviter l’accord de cinquième degré.
– A nouveau, je pourrais faire le même exercice avec n’importe quel accord. Ici, je me suis servie de la progression que j’avais utilisé juste au-dessus mais le raisonnement serait le même avec n’importe quel autre progression.
– Vous savez tout.
– Mais l’important est moins de comprendre ici que d’être en mesure d’appliquer cette super technique de la dominante secondaire !

Sources : source multiples ; pédagogie Camille Pascal ; visuel crée et emprunté à Hookpad (merci de commenter si vous connaissez d’autres sources)

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