Conduire une circlesong captivante avec un déroulement en 3 phases

Ceci est une version plus développée de l’exercice que j’appelais auparavant « Entrée – Plat – Dessert« .

Un des aspects du chant improvisé dont on ne parle pas assez à mon goût est ce que j’appelle le déroulement ou la structure (à une époque je parlais aussi d’évolution). En musique on appelle structure ou forme musicale la manière dont un morceau est divisé en sections et en sous-sections (plusieurs mouvements, couplet-refrain, forme strophique, introduction, pont, transition, etc) et par extension on peut aussi y aborder la durée de chaque section, son rôle dans le récit global et la manière dont elle s’enchaîne avec les sections voisines.
On ne parle donc pas ici de « l’écriture » des boucles qui compose la circlesong, harmonie, rythme, complémentarité, etc (pour ça j’utilise plutôt les termes arrangement ou composition), ni de la qualité d’interprétation, de présence, d’émotion, etc, choses que je suggère d’adresser/travailler séparément dans un premier temps (dans le but que tout ça se recoupe au final bien sûr). On ne s’intéresse qu’à la manière dont les différents « événements » (nouvelles parties, solo, breaks, etc) s’enchaînent dans le temps, et à la cohérence globale de ces enchaînements.
Le(s) but(s) de ce travail est pour moi de faire des circlesongs qui captent l’attention de l’éventuel auditeur de A à Z, qui à priori ne suscite ni ennui (déroulement trop lent), ni indigestion (trop long), ni frustration (trop court), qui procure la satisfaction d’une œuvre bien équilibrée. On peut y voir un intérêt scénique pour ceux qui veulent amener les circlesongs en concert, mais même sans autre auditoire que les personnes dans le cercle, c’est extrêmement fun et passionnant !
C’est aussi difficile, car cela implique (en tout cas souvent dans un premier temps) des prises de décision conscientes et rapides, une exécution de ces décisions toute aussi rapide, souvent au détriment de la finesse ou de la complexité. Je suggère de n’aborder ce travail que quand on a déjà conduit de nombreuses circlesongs dans sa vie et qu’on est relativement à l’aise avec la conduite et l’arrangement. J’insiste aussi sur l’importance à mon avis, dans le cadre de ce travail, de se pousser si nécessaire à accepter l’imperfection, à « prendre la première idée qui vient », à ne pas ou très peu se reprendre ou corriger.

Je propose ici un déroulement en trois phases :

Première phase / Début / Introduction / Prologue / Apéritif

Le but de la première phase est d’introduire le récit, d’ouvrir l’appétit et d’amener la phase centrale.
En termes de durée, sauf exception elle gagne à mon goût à ne pas dépasser 2 minutes. Je suggère de viser entre 1 et 2 minutes depuis le tout premier son jusqu’au début de la phase centrale.
4 exemples de formules que j’affectionne :

• 1 boucle (en maximum 15 secondes, c’est-à-dire entre le premier son et le moment où on se détourne du « pupitre » auquel on a donné la boucle) > Solo (entre 30 secondes et 1 minute) > 3-6 boucles/voix (en maximum 50 secondes)

• Solo (entre 30 secondes et 1 minute) > 2-6 boucles (maximum 1 minute et 10 secondes)

• Solo (entre 10 et 30 secondes) > 1 boucle (rapidement) > Solo (entre 10 et 30 secondes) > 1 boucle (rapidement) > et ainsi de suite on alterne 10-30 secondes de solo et une boucle. Les harmonisations d’une boucle gagnent selon moi à être données à la suite les unes des autres sans repasser par le solo.

• 3-6 boucles/voix (en maximum 1 minute) > Arrêt simultané de certaines parties > Solo (entre 20 et 30 secondes) > Relance des parties arrêtées tout en continuant le solo

Phase centrale / Cœur-Corps de la circlesong / Plat principal

Le but de la phase centrale est d’exploiter pleinement le potentiel de cette circlesong, d’en « transcender » le propos (même humblement), de raconter le cœur du récit jusqu’à satiété ou presque. Elle est logiquement plus intense, plus longue et plus riche que la première phase.
Cette phase peut durer le temps voulu selon ce qui s’y passe. Typiquement si cette phase n’est constituée que d’un seul solo, je suggère de ne pas dépasser 3 minutes. En revanche si elle contient plusieurs événements comme des transitions, des jeux, des déplacements, etc, elle peut sans problème durer 15-20 minutes ou même beaucoup plus.
Ici je préfère ne pas donner de formules, mais plutôt une liste d’actions ou événements que l’on peut combiner de différentes manières :
Solo (faire un solo, le demander à quelqu’un ou à qui veut, faire un tour de courts solos, faire un duo, etc),
Arrêt ou tenue et relance de toutes ou de certaines parties / Break,
Echo / Ping Pong / Question-réponse avec une partie du cercle,
Flecha / Passes de clap (ou d’autre chose),
Mouvement et déplacement dans l’espace (traverser le cercle un par un, reculer/avancer ensemble vers le centre, tourner autour du centre, inviter des gens à y danser, à s’y allonger, bouger librement dans la salle, regarder quelqu’un dans les yeux un moment avant de changer de partenaire, etc),
Claps dans les mains les uns des autres (une fois à droite une fois à gauche dans le cercle, en étant face à une seule personne, en se déplaçant librement, etc)
Nuances (brusques ou progressives),
Changement de tempo,
Changement de timbre,
Arrêt et/ou ajout de voix / Transition,
Passage en co-improvisation (de toutes ou de certaines personnes),
Tout ce que vous pouvez imaginer d’autre…

Dernière phase / Fin / Epilogue / Dessert

Le but de la dernière phase est « simplement » de conclure le récit d’une manière satisfaisante.
En termes de durée, cela dépend là aussi de ce qui s’y passe. De manière générale je suggère que cette phase dure entre 30 secondes et 1 minute 30, mais elle peut s’allonger davantage.
4 exemples de formules que j’affectionne :

Tout arrêter d’un coup en continuant une forme de solo jusqu’à l’arrêt final, avec soit un crescendo global soit un decrescendo global, avec une tenue finale ou non (tout ça en environ 30 secondes par exemple).

• Ne laisser qu’une seule boucle (attention à quelle boucle on choisit) et faire un solo dessus (je suggère entre 20 et 50 secondes de solo).

• Fin préférée de Gaël 2020-2021 : Laisser tourner une ou deux boucles « harmoniquement neutres », c’est-à-dire qui ne suggèrent pas de suite d’accords, typiquement un « fil » sur une ou deux notes. Faire faire une tenue aux autres parties qui elles indiquent des accords, autrement dit choisir un des accords et le tenir. Là-dessus (tenue d’un accord, et boucle neutre qui continue), faire un petit solo (de 20 à 40 secondes par exemple, et qui typiquement « dialogue » avec la boucle neutre). Enfin tout arrêter d’un coup.

• Arrêter certaines parties et en recréer (rapidement) d’autres pour créer un « épilogue » sur lequel on fait à priori un dernier solo, la totalité de la phase durant idéalement moins de 2 minutes. Attention à ne pas créer de frustration en donnant envie que cet épilogue se développe, typiquement ça aide que l’épilogue ne soit que sur un seul accord et qu’on ne relance pas de nouvelle rythmique.

 
Tout ça est évidemment non exhaustif et vise seulement à donner des idées, les formules et durées indiquées correspondant avant tout à mes goûts personnels.

J’espère à l’avenir ajouter des exemples vidéos à cet article !

 
Sources : multiples (dont Música do Círculo pour la partie centrale, et évidemment Bobby McFerrin qui est un as du déroulement)

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